chinastral/conte/fable63 - La légende de FU XI

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05082020

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PARTIE I

Autrefois, il existait un pays, le pays de Huaxushi, situé dans la Chine du Nord-Ouest. Il était arrosé par un fleuve large et long, le fleuve de la Foudre, sur les rives duquel vivait le peuple de ce pays.
Pourquoi ce nom de fleuve de la Foudre? On dit qu'en amont du fleuve s'étendait un grand lac, le lac de la Foudre, où le fleuve prenait sa source. Dans le lac de la Foudre habitait le Dieu de la Foudre. Comme le Dieu de la Foudre était d'un caractère inconstant, ce fleuve présentait des particularités.

Tantôt il était calme et paisible, plissé de quelques vaguelettes; les peupliers verts et les saules pleureurs se reflétaient alors sur l'eau courante comme sur un miroir brillant. Tantôt c'était un torrent impétueux galopant comme une bête folle, rugissant et fonçant droit devant lui. Il inondait les maisons et les arbres riverains dans un rugissement assourdissant qui faisait trembler toute la terre. On savait alors que le Dieu de la Foudre était en colère.

Cette calamité se répétait d'une année à l'autre. Mais que faire? Si quelqu'un avait pu aller voir le Dieu de la Foudre et lui conseiller de partir pour le ciel comme les autres dieux, alors, ces désastres auraient pu être évités. Mais qui pouvait y aller, qui oserait y aller? Le lac de la Foudre était très loin de là, et le Dieu de la Foudre était un dieu terrible.

Au bord du fleuve habitait un vieux couple avec leur fille unique. Son nom n'étant pas mentionné dans les livres historiques, nous l'appellerons Hua Xu. Elle était belle et intelligente mais, comme toutes les filles uniques, un peu capricieuse. Néanmoins, c'était une fille honnête et brave.

Un jour, la colère du Dieu de la Foudre ayant de nouveau provoqué des inondations, le vieux couple se lamenta:
- Hélas! Quand donc ce malheur finira-t-il? Nos nouvelles maisons construites avec tant de difficulté, nos bœufs et nos moutons, tout est inondé!

- Il faut aller au lac pour s'expliquer avec le Dieu de la Foudre! S'indigna Hua Xu.

- C'est un despote, qui oserait y aller! Répondirent ses parents en hochant la tête.

- Mais il doit habiter dans le ciel! Il provoque sans cesse des catastrophes et il nuit au peuple, c'est injuste! Je vais aller lui dire ses quatre vérités, moi!

Ses parents s'effrayèrent:
- Tu n'y penses pas! Personne n'est jamais allé au lac de la Foudre! Alors, toi...

La jeune fille se tint coi, mais on pouvait deviner sur ses lèvres fermées et dans son regard qu'elle avait déjà pris la décision d'y aller...

PARTIE II

Quelques jours après, Hua Xu quitta son pays natal et ses parents et remonta le fleuve. Elle marcha longtemps. Quand elle avait faim, elle se nourrissait de fruits sauvages; quand elle avait soif, elle buvait l'eau du fleuve.
Quelques mois après, elle arriva en vue d'un lac qui s'étendait à perte de vue devant elle. Le lac était noyé dans le brouillard et l'eau était d'une profondeur insondable. Elle était arrivée au lac de la foudre.

Alors qu'elle regardait dans l'eau pour chercher le Dieu de la Foudre, la surface du lac devint soudain très agitée, d'énormes vagues roulèrent dans sa direction et des coups de tonnerre retentirent. Un monstre à tête d'homme et à corps de Dragon surgit du fond du lac. Tremblante de peur, Hua Xu se cacha derrière un arbre. A ce moment-là, elle piétina l'empreinte d'un pas géant sur la rive du fleuve. Son corps fut agité de violents tremblements, elle sentit quelque chose comme un courant électrique lui traverser tout le corps, puis elle fut clouée au sol par une force mystérieuse.

- Comment oses-tu troubler ma demeure divine? Retentit une voix des profondeurs de la terre.

Et avant que Hua Xu pût répondre, le Dieu de la Foudre sauta sur la rive, s'empara de la jeune fille et l'entraîna dans son Palais dans les profondeurs du lac. Le Palais était vaste et confortable, bien que décoré sobrement. Un énorme gong était suspendu dans un coin, près duquel était posé une grande baguette à tampon. C'était l'instrument dont se servait le Dieu de la Foudre quand il faisait éclater le tonnerre.

Chaque fois qu'il volait dans le ciel, il emportait ce gong et le frappait sans relâche. Quand il s’enivrait, il frappait si fort que les eaux du lac et du fleuve s'agitaient dans tous les sens et inondaient les rives.

- Qu'es-tu venue faire ici? Interrogea le Dieu de la Foudre sur un ton sévère.

- Je suis venue te demander des explications! Répondit la jeune fille sans se troubler.

- Si tu veux... Répondit-il l'air arrogant.

- Tu n'apportes que des malheurs à la population riveraine du fleuve de la Foudre! S'écria-t-elle avec indignation.

Aussi despotique qu'il fût, le Dieu de la Foudre ne trouva rien à répondre au juste blâme de la jeune fille.

Au fond de lui-même, il admirait le courage de cette jeune fille et sa grande beauté acheva de l'apaiser.

- Bon, je veux bien quitter le lac pour le ciel, mais à une condition : Que tu deviennes ma femme. De toutes façons, tu ne peux plus rentrer chez toi maintenant.

Hua Xu hésita. le Dieu de la Foudre ajouta, sur un ton plus doux :
- Ne t'inquiète pas, je te traiterai bien.

Le Dieu de la Foudre s'étant engagé à quitter le lac, Hua Xu consentit à devenir sa femme. Dès lors, non seulement il l'entoura de prévenances, mais il ne battit plus du gong à sa guise et les eaux du lac et du fleuve restèrent calmes.

PARTIE III

Quelques temps après, Hua Xu mit au monde un garçon. Le Dieu de la foudre pensa alors quitter le lac pour le ciel avec sa femme. La jeune fille pensait à son pays natal. Puisqu'elle ne pourrait jamais y retourner, se dit-elle, elle y enverrait son fils.
Profitant d'une sortie de son mari, elle déposa son enfant dans une calebasse. C'était un récipient à vin pour le Dieu de la Foudre, grand comme une barque. Elle posa la calebasse renfermant son enfant sur l'eau du lac et la petite embarcation descendit bientôt le fleuve en suivant le courant.

Le père de Hua Xu pêchait au bord du fleuve, pensant mélancoliquement à sa fille, quand soudain, il vit dériver une grosse calebasse sur le fleuve. Intrigué, il la repêcha et l'emmena chez lui. Quelle ne fut pas leur surprise quand le vieux couple découvrit à l'intérieur un bébé dodu.

Il était enveloppé dans un vêtement ayant appartenu à leur fille. En l'examinant attentivement, ils virent que son front large, la blancheur de son teint et sa beauté le faisaient beaucoup ressembler à leur fille et ils furent convaincus qu'ils avaient devant eux leur petit-fils.

Cette découverte surprenante consola le vieux couple touché par la perte de leur fille. Ils élevèrent cet enfant comme le leur et l'aimèrent tendrement. Quels grands-parents n'aimaient pas leur petit fils?

Tous les gens vinrent voir cet enfant venu des eaux et adressèrent leurs félicitations au vieux couple. L'enfant n'ayant pas de nom, sa grand-mère l'appela Fu Xi, qui signifie "calebasse" dans le dialecte du pays Huaxushi.

Fu Xi, fils du Dieu de la foudre et de Hua Xu, grandit rapidement et se distingua bientôt des autres par sa taille gigantesque, son intelligence et sa bravoure. Mais surtout, il pouvait gravir l'échelle céleste ce que personne n'était capable de faire.

Une légende raconte que, dans l'antiquité, le ciel et la terre étaient liés entre eux. Cette liaison s'établissait dans le lieu dit de Duguang. Là poussait l'arbre de la Fondation, dont la cime perçait les nuages. Cet arbre liait la terre et le ciel comme une échelle céleste.

Quelle que soit la direction du soleil, cet arbre ne produisait pas d'ombre à la différence des autres arbres de la terre. Il était si grand qu'on ne pouvait distinguer ses branches et ses feuilles. Le long du tronc pendaient des milliers de lianes.

Tous les dieux du ciel montaient au ciel ou en descendaient par cette "échelle céleste". Cependant les hommes ne pouvaient grimper au ciel car l'échelle était trop haute. Seul Fu Xi arrivait à gravir l'échelle céleste et pouvait donc circuler entre ciel et terre. Cette étrange faculté lui venait sans doute d'être le fils du Dieu de la Foudre.

Fu Xi aimait bien son pays et son peuple. Grâce à son intelligence, il apporta d'innombrables contributions et fut l'auteur de nombreuses inventions. Ainsi, de la toile d'araignée lui vint l'idée du filet de pêche.

Il enseigna également aux hommes l'art de la cuisson du gibier. Ce fut une contribution importante dans l'amélioration de la vie du peuple. Aussi le surnomme-t-on aussi Pao Xi le maître-queux.

La légende dit qu'il est également à l'origine des huit trigrammes qui régissent l'ordre cosmique et représentent les différents aspects de l'univers en mouvement :
(le ciel, la terre, l'eau, le feu, la montagne, le tonnerre, le vent, le lac).

Grâce à ces huit trigrammes, on put connaître précisément chaque aspect de l'univers et saisir les relations et les mutations entre eux, comprendre l'essence des choses et prévoir les calamités naturelles...

PARTIE IV

C'est ainsi que Yu le grand, pour dompter les crues, utilisa les huit trigrammes. Alors qu'il luttait contre les crues dans la région du mont longmen, Yu découvrit une immense grotte. Une torche à la main, il s'y engagea pour l'explorer. Au bout de quelques pas, il vit arriver deux animaux étranges, l'un portant une perle dans sa bouche qui éclairait la grotte comme en plein jour, l'autre lui faisant signe de la suivre. Ils marchèrent environ cinq kilomètres et arrivèrent en vue d'une grande salle.
Les deux animaux se métamorphosèrent en deux officiants habillés de noir postés de chaque côté de la salle. Au centre trônait un génie à visage humain et au corps de Dragon. Yu reconnut Fu Xi, fils du Dieu de la Foudre et de Hua Xu. Il s'inclina respectueusement, puis lui demanda conseil pour l'aménagement des eaux. Ravi de pouvoir lui venir en aide, Fu Xi prit une plaque de jade et la lui tendit. Sur la plaque étaient gravés les symboles des huit trigrammes.

- Si tu veux dompter les crues, lui dit Fu Xi, il faut d'abord bien connaître la topographie des montagnes, des rivières, le niveau des eaux et des terres, afin d'aménager les terres pour conduire l'eau à la mer, construire des barrages et des ponts. Étudie avec soin ces huit trigrammes et leurs rapports entre eux et tu dompteras les eaux. Alors l'Humanité sera sauvée.

Grâce aux huit trigrammes, Yu fut à même de définir les rapports entre les divers éléments de l'univers, d'aménager les eaux et de sauver l'humanité.

Toujours d'après la légende, quelques années après, sous la dynastie des Yin, un souverain despotique , le roi Zhou, monta sur le trône. Le peuple souffrait beaucoup sous son règne. Son ministre Ji Chang, qui devint par la suite le roi Wen de la dynastie des Zhou, lui conseilla la mesure. Refusant ses conseils, le roi Zhou le jeta en prison à Youli.

Ji Chang en profita pour étudier les huit trigrammes de Fu Xi et comprit beaucoup de choses en liaison avec sa propre aventure. Afin de transmettre sa compréhension des changements de la nature et de la société, il rédigea le Livre des transformations ou Yi - King, dont les 64 hexagrammes représentent toutes les situations possibles des êtres au cours des mutations de l'univers.

Ainsi l'invention des huit trigrammes fut-elle une grande contribution de Fu Xi à l'humanité.

Lorsque l'Empereur Céleste apprit toutes les bonnes actions de Fu Xi, il le nomma roi du pays de Huaxu. Grâce à sa force et à son talent, Fu Xi gouverna sagement en s'entourant de ministres sages et dévoués.

Son ministre de l'agriculture, Gou Mang, était un homme compétent et jouissait d'une large popularité. Chaque printemps, Gou Mang, qui avait un visage humain et un corps d'oiseau, volait de champs en champs avec sa chaîne d'arpenteur, il indiquait aux paysans le temps des semailles, les aidait à mesurer leurs champs et à élaborer des plans de semailles.

Les annales historiques décrivent le pays de Huaxu comme un paradis terrestre. Là, chacun pouvait prévoir le temps par l'astrologie, connaissait toutes les qualités des montagnes et des rivières, de la terre et des arbres, savait planter et récolter n'importe quoi. Les gens vivaient très longtemps, il n'était pas rare de voir des vieillards de 100 ou 200 ans.

Là encore, on ne se noyait pas quand on plongeait dans l'eau, on ne se brûlait pas quand on se jetait dans le feu, on pouvait voir dans le brouillard et entendre malgré le tonnerre, franchir montagnes et rivières aussi facilement que des plaines.

Grâce aux huit trigrammes de Fu Xi, le peuple de Huaxu maîtrisait toutes les lois de la nature et menait une vie heureuse. Aujourd'hui encore, l'étude des huit trigrammes aide à comprendre les lois universelles.

Fin de cette Histoire.
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